« - Bonsoir ? - Fais ta valise, on s'en va. -
« - Bonsoir ?
- Fais ta valise, on s'en va.
- Mais, attend, qu'est-ce qui se passe ? Où on va ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Putain mais pourquoi ? Pourquoi il faut toujours que ce soit aussi compliqué ? Pourquoi autant de questions, autant de raison, pourquoi tu peux pas juste m'écouter, t'écouter, prendre un sac, la boite de transport du chat, un billet d'avion et arrêter de réfléchir cinq minutes ?
- Ralentis s'il te plait, je sais pas, je sais plus, tu sais qu'il faut pas faire ça, tu sais que c'est pas la solution.
- Ah ouais ? Et c'est quoi la solution alors ? Hein, c'est quoi la solution ? T'en as pas et tu pleures encore. Alors viens, viens on s'en va, on se tire d'ici. Moi je veux juste fermer la porte derrière moi et que le monde ne soit plus dans cet état là, je veux juste pouvoir voir, croire, avoir espoir en un futur quelconque. J'demande pas la lune, le soleil ni l'amour éternel. Juste un futur. Un truc normal. La normalité. J'veux juste fermer la porte derrière moi et arrêter de penser à ce qui se passe derrière, à cette quête infernale de qui sera le plus fort, qui aura le plus de pouvoir, je veux plus voir la souffrance, la faim, l'injustice. Je veux plus m'en vouloir de pas appartenir à toutes les causes, je veux plus culpabiliser là où un milliers d'autres devraient le faire au triple, je veux plus me réveiller pour voir tout ça, je te jure il y a des jours où je veux plus me réveiller du tout.
- Arrête tu me fais peur.
- C'est trop simple de se cacher pour plus avoir peur. Ce que je te dis là c'est rien par rapport à la tempête qui gronde à l'intérieur. C'est rien par rapport aux angoisses, aux peurs, à la colère, aux envie de me faire du mal, de tout faire exploser, de tout arrêter et de partir loin, vite, maintenant. Tout ce que tu vois c'est que la face visible de l'iceberg, mais celle qui va tous nous foutre en l'air c'est celle d'en-dessous, à l'intérieur, planquée sous l'eau noire, celle que personne n'est prête à voir, que personne n'est prête à entendre et encore moins à accepter.
- J'ai plus très envie de parler avec toi.
- Tu vois, tu le dis toi-même. Je suis pas forte tu comprends ça ? J'ai envie de me tirer, je veux plus répondre aux messages, je veux plus qu'on m'aime, je veux plus sourire, je veux plus créer, je veux plus aider. Je veux plus. J'en ai marre qu'on essai de m'aider, de me conseiller, de me réconforter. Je veux me réveiller quelque part où personne me connaîtra, je veux me réveiller seule au milieu de nul-part avec mon chat, 4 murs, un toit et rien. Je suis fatiguée, tu comprends ça ? Je suis fatiguée de pas comprendre ce qui va pas. Je suis fatiguée de devoir gérer l'instabilité mais de la recréer dés que je la chasse. Je suis fatiguée de cette putain de sensation de tourner en rond, de revenir à la case départ. Je suis fatiguée de devoir me battre contre moi d'abord. Je vais me tirer t'as compris ? Que tu viennes ou non.
- Non reste, s'il te plait. Il y a des gens qui t'aiment.
- Je vais craquer. Je vais craquer. C'est le même chaos dans ma tête qui se répète depuis toutes ces années. Et bien-sûr on m'aime, et oui j'aime en retour mais ça soigne rien. Ça soigne rien et en plus ça m'oppresse. Je me sens seule, c'est cyclique, je vois les gens mais c'est vide à l'intérieur et ça me rend folle. C'est peut-être ça le problème en fait, peut-être que je suis folle ? Peut-être que je suis atteinte d'une folie qui vient d'ailleurs, que rien ni l'amour, ni les médicaments, ni les cigarettes ne peuvent apaiser. Peut-être juste que je viens pas de cette foutue planète et que j'ai ramené ça avec moi, comme un virus du bout du monde. Un truc qui coule et qui brûle dans mes veines, qui reste en sourdine et qui tape un peu plus fort à chaque réveil. Je suis fatiguée. J'ai plus envie d'en parler.
- Ça va aller tu sais.
- Non j'en sais rien. T'en sais rien non plus. Et je sais même pas si je veux que ça aille. Je veux juste fermer la porte. »